L.239




25 février 2008

Sur Pierre Jean Jouve, sur le crachat et sur la rosée


je suis bien formée. ils sont deux. les biches. le contour est poli comme l'ivoire, ainsi font les peintres dans les peintures. o madonna. mes seins. mes petits seins vous êtes des biches. [...] ce n'est pas bien. mon père, les douteux désirs. voilà trois jours que cela me prend quand je me vois dans le miroir. mon père j'aime la poésie de dante et surtout l'histoire de paolo et francesca. cette histoire sera toujours, et dieu punira éternellement ceux qui la recommenceront. j'aime la justice de dieu et je ne la comprends pas. [...] doux seins, doux petits seins, je vous enferme mais dans cette robe de soie d'argent on peut, on peut vous deviner. qu'ils cherchent, qu'ils devinent ! - je veux être pure. pure. j'aime la glace et l'acier. je n'aurai plus de corps.




de l'homme pierre jean jouve, je me suis laissé dire que la biographie est complexe, qu'une main d'évangéliste en révisa plusieurs fois les étapes, qu'il est recommandé de toute manière de n'être qu'allusif au sujet d'une existence entièrement tournée vers le grand oeuvre des poèmes des noces et du roman paulina 1880.

il y a de cela quelques semaines, j'ai pris en pleine cervelle le brûlant paulina 1880. je n'en parle que maintenant, puisque aussi bien l'on ne guérit pas du feu sans précautions respiratoires. car c'est bien de feu qu'il s'agit, ce que confirme gaston bachelard, éminent spécialiste, pris aussi de dévorations à la lecture du livre et qui confesse n'avoir cessé de trembler en le lisant.

mais dire de ce livre qu'il brille d'un feu sublime, c'est ne pas dire ce qu'il projette aussi de pulvérisations horribles et anti-naturelles. c'est ne rien dire de ses propriétés qui coagulent à la fois le crachat et la rosée. c'est feindre de penser que le livre s'est abreuvé seulement de la clarté du soleil, alors que ses formes ont poussé souterrainement d'abord dans les racines d'un vomiquier.

paulina 1880 se présente sous les espèces d'une "chronique italienne". le livre raconte l'histoire simple d'une jeune fille aux chairs épouvantées d'amour et de sexualité précieuse, dont l'âme soudain est traversée comme d'une épée par l'exaspération mystique.

torche tournée contre elle-même, feu vivant du désir placé sous l'éteignoir des clous dans les mains qu'elle se plante, l'esprit de la belle et passionnée paulina est porté à de violentes gymnastiques dont elle tient le journal. ses convulsions la mènent tout droit en pays noir, à la folie et au drame social. puis, passé le temps de la prison, une fois la chair tarie comme la calabre, pourra venir enfin la paix du coeur.




obscura et foetida.

la maladie ne donne pas ce que j'attends d'elle en élévation de l'âme, et pourtant je me l'imposerai pour briser cet intolérable enfer de silence et de misère où je suis.

je cherche une forme à voir, et c'est une substance.

ne pas laisser travailler l'intelligence.

je n'ai pas eu assez de courage, je me suis arrêtée en route, le sang n'a pas assez coulé. je recommencerai ce soir même. comme tu aimes le sang, ô mon dieu. mais je ne te laisserai pas passer sans te saisir. ma souffrance te plaira encore davantage.




ex osse sancti vincentij. c'est la relique que m'a donnée soeur perpetua. son voile noir et ses yeux clairs. que je parvienne donc, mon dieu, à cet état d'abandon ! à la désincarnation sous le voile noir.

j'embrasse la relique, je l'embrasse, pour sortir de ma torpeur.




cette fois j'ai pu enfoncer profondément, le sang a coulé, je suis plus heureuse. pendant que je souffrais, ma prière montait très haut, peut-être se trouvait-elle au bord du monde "obscurité". je l'espère, je l'espère, je n'en suis pas certaine.

il fait froid dans ma cellule. je renonce à la veste de laine. à tout prix je dois briser l'écran de verre. cet écran fait que je le vois mais en aucun moment je ne le touche. mon dieu viens-moi en aide afin que je touche dieu dans le doux rayonnement du pardon.




je suis la déchue heureuse.



[texte publié le 29 avril 2008 par re-pon-nou]

2 commentaires:

  1. Jouve et Mahkno sur la même page ! ô joie !

    RépondreSupprimer
  2. ... oui, j'ai nourri quelques craintes au départ quant à la cohabitation de mes deux locataires, mais au total, l'entente est cordiale ! au reste, je ne sais pas bien dire qui est le plus anarchiste des deux.


    merci en tout cas de votre aimable visite, cher lucien suel !

    RépondreSupprimer

pan ! pan !