8. Oscarr Neuymann
toute l'histoire des clans
tout cet empire d'ombres et de clartés
apparaît pour l'instant d'une
clarté rythmée par cet écheveau
par le fil des traditions
croyances et mythes en constituent l'anamnèse
toute l'histoire de cet écheveau complexe compromise
impossible de démêler
toute l'histoire de nos divisions
à la lueur d'une
davantage de ténèbres que de ténèbres
fenêtres noires
miroirs bouchés
ténèbres qui séparent
comme la main du Seigneur écarte
tout l'histoire résumée
dans le miracle d'un événement
d'une campagne lancée contre l'empire de Dieu et ses esprits par le Gaucher
la résurrection rythmée par cet écheveau
la résurrection apparaît rythmée par ce cancer de Dieu qu'on appelle le Gaucher
en bas on envisage
on se cache le visage
les esprits parlent d'eschatologie
en bas les hurlements
la résurrection apparaît pour l'instant compromise
+
l'écriture descend dans les lieux du souvenir
l'écriture des noms des personnages des lieux
de nombreuses variations selon les poèmes
au début du début du souvenir
un explorateur du nom d'Oscarr Neuymann
accompagné par des guides wallafites
il aurait passé en enfer
et serait retourné à la surface
les poumons noircis d'avoir levé une partie du mystère
l'explorateur Neuymann guidé par ses Wallafites
mais il serait retourné sur la terre
c'est ce que retient le poème
toutefois
de hâtives études linguistiques réalisées ultérieurement ont
permis de lever une partie du mystère
selon le poème au début du début Allah
Allah a prévu de descendre dans nos poumons
dans nos souvenirs à travers l'écriture (nòueyîmaân)
Allah a créé des vaisseaux des
organes de conduction (nüuymahanâ) pour
descendre les âmes vides dans l'eau qui boit au poumon du souvenir
"Noôehmaajn" est un des noms permis des lieux d'où Allah s'est levé
un nom donné par Allah aux lieux du corps par où l'on descend
une partie du mystère est
des vaisseaux de sang qui s'avancent dans tes organes pour te descendre aux lieux psychiques d'où personne ne retourne
aucun explorateur n'a pu jamais
des âmes sanguines n'auraient pu retourner aux sources des eaux du corps
personne n'a jamais laissé d'écritures avec son sang à la surface
+
l'explorateur du poème Oscarr Neuymann
accompagné de ses Wallafites après
après avoir longé sur des centaines de kilomètres
la brume des monts Kulu' Mburuu
pour entrer progressivement en
le territoire des Zumbul' Uur
sur ma droite les
la brume des monts
Oscarr Neuymann et ses Wallafites
piquèrent droit sur un paysage lunaire
dont l'infini n'est rompu de loin en loin que
la silhouette aigre d'un acacia
ou l'ossature de deux chameaux qui ondoient dans la fournaise
les êtres qui habitent ces solitudes
êtres qui parlent la langue
Neuymann et ses hommes suivent au loin le vol de centaines de
un paysage lunaire
des roches basaltiques
derrière eux, sur des centaines de kilomètres, le long ruban des monts Kulu' Mburuu après lequel on entre progressivement
ici
les êtres qui errent solitairement dans le désert
le regard tourné vers les sommets neigeux
dans la nuit de leur coeur retentit l'aigre clochette
de la soif, rite perpétuel d'initiation auquel ils se soumettent
l'explorateur du poème
depuis sa base observe de loin
des êtres pratiquement invisibles
l'ascèse leur ôte un poids
le regard tourné vers
celui de l'existence
vers les monts intérieurs
lorsqu'ils dorment ils s'élèvent au-dessus de la surface
+
le physique Zumbul' Uur
une taille haute
corps longiligne
dolichocéphalie élevée
comme pour passer
entre les brûlures
du soleil
(Oscarr Neuymann observe à la jumelle)
le Zumbul' Uur s'abstient de
le manger, le boire
il brandit vers le ciel les bâtons de ses bras
lance au soleil malédictions et prières
la salive Zumbul' Uur
denrée précieuse qui se recueille
comme une rosée lorsqu'il quitte sa chair
on dit qu'elle guérit la brucellose
la femme Zumbul' Uur
réputée pour sa maigreur
le Zumbul' Uur s'abstient des femmes
il leur crache dans le coeur si elles s'approchent
aussi ne dédaignent-elles pas la prostitution
+
la religion
les armes données par les prophètes
(Jésus-Christ)
les "mythes des origines" (kiyTi-kuu') n'apportent qu'un
selon une croyance recueillie chez les
les trois lunes créées que le soleil d'ici prit pour épouses
de leur union magique naquirent neuf fils guerriers (Diinzoor)
les neuf furent peut-être Aadiin (Adam) à quoi s'ajoutent huit autres
de leur union contre nature naquirent les grands ancêtres
Aadiin (Adam) descendu près d'Allah en enfer
où sa foi n'eut pas à refroidir
puis de la côte d'Adam et du sein d'Eve
dévala l'essaim noir des esprits
sous la bannière du Seigneur, de la Kabbale et du Ciel
les yeux tracés de kohl
l'arme blanche battant à la ceinture et
brillant le haubert
brillant sous les trois lunes créées
pour la beauté de l'occasion
ils se seraient d'abord dirigés vers l'est, traversant le 'Urubba
avant d'obliquer vers le nord
de leurs fusils Zastava sortirent les clans
chacun leur tour
de leurs fusils M21
nés pour souffrir la punition
les mythes les esprits le Seigneur
ce qu'on appelle ici la religion du bambalisme
les mythes originels, dans leur pauvreté
sont peut-être conformes
par Jésus-Christ, ma mémoire me fait
les mythes sifflent à mes oreilles
le soupir des esprits la nuit, le galop des chevaux de la Kabbale
qui sait, personne ne sait
l'extrême pauvreté de mes visions
la peur a marqué durablement les visages
selon les calculs nos ennemis descendent du soleil
les données biométriques tendraient à plaider pour cette hypothèse
+
ma description
selon les calculs
mes descriptions se terminent
aucun espoir de nuit comme de jour
et cette légende encore
absurdité
lorsqu'on vivait là-haut
terrorisés par une famine
à cette époque la guerre
tapis de bombes
et gaz
les casques bleus météorisés par ces prodiges
ne se mêlaient
un jeune berger aveugle du nom de 'Aw Iskaar Quul Allak' fut victime du vol d'une bête
il déroula la laine de son tapis de prière et, tourné vers la bonne direction
se mit à invoquer Allah
s'enquérant du nom du voleur en plein jour de marché
aussitôt qu'il se releva on entendit gémir et murmurer
personne n'avait pourtant soufflé mot
l'aveu provenait des profondeurs du ventre de celui
où se trouvait consommée la chair de la bête
terrorisés par ce prodige, les patriarches du village s'exclamèrent
"qu'on mette à mort le magicien avant qu'il ne déchaîne contre nous tous ses prières !"
'Aw Iskaar Quul Allak' fut égorgé et mis en terre à la hâte
c'était la guerre et sur les fûts des fusils les villageois firent graver : "qu'Allah protège ses fils du démon, du génie noir, de la boue noire, de la Bête noire, de la magie noire"
Allah sut les entendre, qui les tient ici comme des vaches atteintes de météorisme
qu'on soigne en leur brûlant le flanc à l'aide d'un fer en forme d'étoile de David
si elles éclatent les poches de gaz laissent filtrer un liquide que récupèrent et boivent les esprits dévêtus
l'essaim noir des esprits qui montent à nu dans la montagne et dont la course soulève une poudre toxique qui aveugle et retombe sur le monde
(fin)
[Matériel bibliographique. – Mohamed Mohamed-Abdi, "Les bouleversements induits par la guerre civile en Somalie : castes marginales et minorités", in Revue Autrepart, 15, 2000 : 131-147. – Christian Bader, Le sang et le lait – Brève histoire des clans somali, Paris, Maisonneuve & Larose, 1999].
c'est du lourd
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