L.239




10 juillet 2008

Nécrologies


"je suis le feu, me dis-je en moi-même.
à quand le Marti des nébuleuses ?"


d a v i d m a r t i [ l e c e r c l e ]



j'apprends par un affreux hasard que le poète et peintre david marti est mort au mois de septembre ou d'octobre 2007. j'apprends ce faisant la mort de mon cousin. cela donne une indication quant aux rapports d'affection que j'entretiens avec mon sang.

je n'ai rencontré david que deux fois dans ma vie. mais lui est entièrement innocent de l'indifférence mutuelle et consciencieuse dans laquelle ma famille et moi-même nous tenons. au reste, david était innocent de tout, comme n'osent le dire clairement les journalistes et biographes de catalogues qui euphémisent à propos de sa "fragilité", de sa vie "mélangée de rêve", de son existence dans un "monde à part".

david marti peignait, dessinait, écrivait des pièces de théâtre et des poèmes. parallèlement, il réalisait des céramiques et des objets magiques. il a passé plusieurs années en inde, dans sa jeunesse, dans des circonstances qui semble-t-il ont précipité son art mais qui n'ont pas épargné sa santé.

je garde un souvenir ému de mes peu nombreuses rencontres avec mon cousin, ce grand adolescent de 40 ans, en espadrilles et en chapeau, dissimulé derrière d'immenses lunettes chaussées sans doute pour moins bien voir. et je conserve chez moi comme un trésor les épreuves d'un recueil de dessins et de poèmes pleins de pouvoirs qu'il m'a offert.

c'est aussi, pour tout dire, en pensant quelquefois à david que m'était venu mon livre méduses.




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"viens écrire un livre avec moi sur le trottoir puisque t'es si malin."

f. p. m e n y [ c o n q u ê t e d u d é s a s t r e ]



parce qu'un malheur ne court jamais seul, j'apprends le même jour la mort de l'écrivain f.p. meny, au mois de juin 2008.

son corps sans vie a été découvert dans une grange par les gendarmes d'un village de corrèze, où il avait trouvé refuge pour se garder du mauvais temps. l'homme avait 42 ans, et son coeur embué d'alcool et fatigué d'avancer s'est arrêté de battre.

de cet auteur fin lettré et clochard, je n'ai longtemps su que l'étonnant titre d'un livre - white trash napoléon - paru au quartanier, notre éditeur commun. et une photographie aussi, d'un garçon à chapeau (inquiétants décidément tous ces chapeaux), un garçon d'une grande allure mais aux yeux pas tranquilles. cette notice biographique enfin, lapidaire, dans laquelle j'avais cru distinguer d'abord un programme un peu court : "vit en france". je n'avais pas compris alors la condition de sans domicile fixe qui était celle d'f.p. meny.

peu avant sa mort, l'auteur avait fait paraître conquête du désastre, aux éditions sulliver, un récit autobiographique mettant en scène son errance solitaire, mais aussi son rapport à la fois violent et intime à la littérature, et ses rencontres joyeusement dégoûtées avec les misérables qui font profession de culture en france.

"ils invoquent rimbaud et chassent les vagabonds. pourquoi faut-il que j’aie toujours l’air de passer par hasard, pas invité ça c’est sûr, à querbes par exemple le jour d’un minuscule festival littéraire dans un hameau tout paumé on me regarde et me demande si je viens par hasard, ah bon, dis-je, je croyais qu’il y avait un festival littéraire, que veux-tu j’ai pas l’air, même si j’atterrissais en hélicoptère dans leur évier, ils croiraient que c’est par hasard".

1 commentaire:

  1. « Pour passer la nuit il s'arrêta devant une grange abandonnée, y entra et dans le foin fit un trou où il s'endormit, sa musette sous la tête.
    Mais quelqu'un l'avait vu dans la clarté lunaire, un promeneur attardé.
    Il y a des temps de désespoir d'abord qui alternent avec d'autres où l'âme se libère mais peu à peu l'alternance ne se fait plus et c'est alors que la tête pourrit.
    Est-ce qu'il y a pensé avant de s'endormir ou a-t-il seulement compté les poutres de la charpente.
    Et cet autre attardé. »
    (Robert Pinget, Fable, Minuit, 1971, p. 9)

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